Préparation Mentale & Discours Interne.

« Mon principal souci, lors d’un match de tennis, c’est de faire taire les voix en moi, de ne garder en tête que le point que je suis en train de jouer et rien d’autre, et de concentrer jusqu’à la plus infime parcelle de mon être sur ce point. »  

C’est pas moi qui le dit, c’est Rafa (dans son livre « Rafa » de 2012.)

Et si plutôt que de faire taire ces petites voix, on leur faisait dire ce qu’on avait envie, ce qu’on a besoin d’entendre ?

Discours Interne ou Dialogue Interne ?

Les deux termes sont utilisés, pour ma part je travaille autour du concept de Discours Interne car je considère qu’un dialogue appelle une réponse, un échange, ce qui n’est pas forcément le cas dans les exercices que je propose. Mais pourquoi pas dans un prochain accompagnement… Cela sera de toute façon à la convenance de celle ou celui qui l’utilisera.

Il existe plusieurs définitions du discours interne. Par exemple, selon Theodorakis (2000), le discours interne représente ce que les individus se disent à eux-mêmes, exprimé sous la forme d’une petite voix intérieure ou sous la forme de verbalisations à voix haute. D’autres le définissent comme un phénomène survenant à chaque fois qu’une personne pense à quelque chose. Hackfort et Schwenkniezger (1993) proposent quant à eux une définition plus complète du discours interne en le définissant comme « un dialogue à travers lequel les individus interprètent leurs émotions et leurs perceptions, régulent et modifient leurs évaluations ainsi que leurs convictions et se donnent des instructions et des encouragements ».

Parmi les habiletés mentales en sport, le discours interne représente la capacité d’un athlète à se donner des auto-instructions afin de réguler les pensées, les émotions et les comportements et ainsi améliorer la performance sportive. Puisque le discours interne est dans certains cas employé volontairement par les athlètes pour s’autoréguler, il réfère non seulement à une habileté mais également à une stratégie cognitive.

En contexte sportif, le discours interne consiste à employer un mot clé ou une phrase spécifique intérieurement dans le but d’avoir un impact sur différentes variables par le biais d’un contrôle des pensées.

Apprendre à interpréter différemment une situation.

En Préparation Mentale on va partir du principe suivant : une situation entraîne des pensées, pensées qui elles-mêmes entraînent des émotions, et ce sont les émotions qui vont induire un comportement, autrement dit les actions. Et de notre perception découle notre réaction.

Les pensées négatives peuvent être provoquées par différentes situations, notamment par le comportement de l’adversaire. Par exemple, au tennis, si l’adversaire prend « un temps fou » avant de servir, on pourrait aisément se dire « il le fait exprès, pour m’énerver, me provoquer, me déconcentrer… » Or, on pourrait tout aussi bien se dire « qu’il prenne son temps, moi je suis prêt ». Cette simple petite phrase permet notamment de changer sa perception de la situation, mais aussi de se recentrer sur soi.

Par ailleurs, pour construire un discours interne positif et impactant, il est d’abord important de bien prendre conscience de ses propres croyances négatives « si je rate mon départ, je raterai toute la course », limitantes « passé un certain âge, ça devient trop difficile » et positives « quoiqu’il arrive, je sais réagir ».

« S’il est impossible de ne pas penser à quelque chose, il reste encore possible de penser à autre chose »

Lewis Caroll

Aussi, on considère que des pensées ou croyances négatives engendreront une baisse de confiance, qui déclenchera un phénomène de stress et donc une baisse de la performance voire une mauvaise performance.

L’objectif dans l’accompagnement en Préparation Mentale, s’il n’est pas possible d’introduire d’emblée un cercle de pensées vertueux en lieu et place du cercle de pensées vicieux, on tend dans un premier temps à interrompre celui-ci.

L’exercice peut paraître de prime abord assez simple, et pourtant l’expérience me montre que c’est souvent une entreprise délicate, parfois même chez des sportifs expérimentés. Pas plus tard que la semaine dernière, un rugbyman professionnel que j’accompagne me disait « c’est dur de me parler à moi-même ». Il y a quelques semaines de ça, je demandais à un handballeur -professionnel également- « Tu crois que c’est possible que tu t’encourages toi autant que tu encourages tes coéquipiers ? ». On touche ici au domaine des émotions, mais également à ceux de l’ego et de la confiance en soi et cela demande parfois un énorme travail. Avant de pouvoir « se dire » des choses positives, encore faut-il les penser, les ressentir.

Les principes du Discours Interne.

Je partagerai prochainement des exemples utilisés dans mes accompagnements pour chacun des « 4 C » qui sont travaillés en Préparation Mentale. 4 C pour Calme, Concentration, Confiance et Combativité. (En Préparation Mentale Collective, on parlera même des 6 C, puisqu’on y ajoutera la Communication et la Cohésion).

En attendant, voici les principes qui s’appliquent au concept du discours interne, notamment dans le milieu du sport, mais pas que :

  • Proscrire les injonctions du type « il faut que/je dois » : cette notion d’obligation peut entrainer des pensées négatives en cas d’erreur/d’échec
  • Utiliser uniquement des tournures de phrases positives
  • S ‘exprimer à la 1ère personne « je vais y arriver » (certains préfèrent parfois utiliser la 2de personne)
  • Utiliser des termes qui ont du sens en fonction de qui on est (qualités – forces): « j’ai la force de remonter ces deux concurrents, je suis un excellent finisher ».
  • Choisir des mots qui vont permettre de déclencher une action dans le présent ou le futur : « je m’accroche à la roue de la concurrente qui est juste devant moi » et/ou de trouver une solution ou une porte de sortie : «je suis capable de mettre le prochain point et de gagner ce jeu».

Il est important de bien se connaître en tant que sportif  mais également en tant que personne (qui suis-je en tant que sportif ? quelles qualités de la vie quotidienne puis-je transposer dans mon sport ? quelles sont mes réactions ?), de savoir de quoi on est capable (qualités et ressources) et de quoi on a besoin pour démarrer, pour se lancer ou pour se sortir d’un moment difficile.

Il est évidemment très important que ces auto-verbalisations soient en accord et adaptées au sportif et à sa réalité. Il ne s’agit en aucun cas de se donner des messages auxquels on ne croirait pas, empruntés à d’autres ou dont l’issue serait inaccessible. Les discours internes sont personnels, chaque sportif est donc invité à travailler son propre discours interne et son propre lexique. Cela peut prendre plusieurs séances.

Petit exemple que j’ai utilisé lors d’une séance pour introduire le concept de discours interne avec des cyclistes, entre Noël & nouvel an. Nous avons sur la table des bredeles (spécialité alsacienne : petits gâteaux de Noël délicieux ! ) et je leur demande alors ce que chacune de ces 3 phrases leur donne envie de faire : 1) Personne ne veut de petit gâteau ? 2) Qui veut un petit gâteau ? 3) Prenez un gâteau.

Et vous ?

Références :

Boudreault, V., Trottier, C. & Provencher, M. (2016). Discours interne en contexte sportif : synthèse critique des connaissances. Staps1(1), 43-64. https://doi.org/10.3917/sta.111.0043

Bühler, J. (2012). Player Development. Bases Psyché. Swiss Tennis Editions.

Latinjak, A.T., & Hatzigeorgiadis, A. (2020). Self-talk in Sport (1st ed.). Routledge. https://doi.org/10.4324/9780429460623

Nideffer, R. M. (1976). Test of attentional and interpersonal style. Journal of Personality and Social Psychology34, 394-404.

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